NTERVIEW - La langue française regorge de mille et un trésors littéraires. L'auteur Jacques Perry-Salkow et le philosophe Raphaël Enthoven en ont exhumé quelques-uns dans un ouvrage sur les anagrammes, Anagrammes pour lire dans les pensées. Un recueil renversant qui repousse les limites de l'oeil et l'esprit.
C'est un éloge de la spontanéité ou mieux encore une célébration de l'ordinaire. L'anagramme n'est pas seulement un jeu, une macédoine de lettres ou des mots-croisés dans le journal. Elle est une aventure, un millier d'histoires, une dioptrique capable de redonner vie aux objets inanimés que le quotidien a tués.
Muraille, chose, silence... les lettres se construisent et se déconstruisent au fil de notre regard. En un instant, leur sort devient une affaire classée. Le sapin rejoint la case «arbre» et la rose son «herbier». La généralité aura fait fi de leur particularité.
Pourtant, derrière chaque objet se cache un événement et une infinité de chemins possibles. Raphaël Enthoven et Jacques Perry-Salkow ont tenté de fixer ce vertige et de plonger avec leur livre, Anagrammes pour lire dans les pensées, «à travers les mots, entre les mots, que l'on voit et que l'on entend». Une volonté légitime qui entend, selon le philosophe et animateur de radio, «redonner de la saveur» aux choses insipides et banales de l'existence.
LE FIGARO - Pourquoi un livre sur les anagrammes?
Raphaël Enthoven - C'est un heureux concours de circonstances. Jacques-Perry-Salkow avait déjà écrit des livres sur les anagrammes. Il voulait cette fois-ci en réaliser sur la philosophie. Il m'a donc envoyé un mail en m'exliquant que si j'acceptais de travailler avec lui «la matière» deviendrait «ma réalité». Nous sommes alors convenus d'un rendez-vous, pris un café pour parler de ces anagrammes et j'ai tout de suite été enchanté.
Que représentent-elles pour vous?
Les anagrammes sont un mélange de cabalisme et de miracle sans providence. On voit des lettres et soudain on découvre tout autre chose... D'un énoncé à son anagramme, il y a une infinité de chemins possibles. Le hasard de l'ordonnancement des lettres, crée une pensée. C'est vraiment une sorte de miracle.
Comment s'est passée votre collaboration avec Jacques Perry-Salkow et Chen Jian Hong ?
Jacques Perry-Salkow se chargeait des anagrammes. Je lui envoyais des propositions et inversement. Si je voyais une route s'éclairer, je l'empruntais et écrivais un texte. Il fallait que le chemin se fasse à moi. En ce qui concerne Jacques Perry, il est incroyable. Il est capable de fabriquer une anagramme en déplaçant seulement une ou deux lettres. Regardez «Paris est une fête» devenu «Et Paris est en feu». C'est prodigieux.
Ce livre est le fruit d'un an de propositions, de dessins - dont l'expressionnisme est fondamental - et de perles. Les textes sont de véritables appels au dessin. Aucun d'eux ne peut et ne doit se réduire à une signification.
Ce livre, à la façon d'un Ponge, semble redonner vie aux mots...
C'est une célébration de l'ordinaire, du miracle possible des choses banales. Aucun objet n'est inutile. En réalité, ce livre fonctionne comme «un exhausteur de goût». Ce ne sont pas juste des jeux - même si l'on s'est beaucoup amusé en réalisant ce recueil - et il n'est aucunement question d'ambitions mystiques. Nous avions envie, avec ce livre, de produire un effet de distorsion, de dire quelque chose de la chose elle-même, de redonner la saveur de quelque chose qui dure et qui tient en bouche.
Si vous deviez choisir une anagramme dans le livre, quelle serait-elle?
«L'espérance» qui devient «la présence». A contrario de l'espoir qui est un rapport à l'avenir, l'espérance est un élan. Il se suffit à lui-même. Je trouve ça intéressant de les voir reliés. Cela permet de penser l'espérance pour ce qu'elle est: un amour actif dans le monde.
En un mot, comment définiriez-vous votre livre?
C'est un kaléidoscope.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire