E x t i m e (journal)

dimanche 16 mars 2014

Claude Parent / La fonction oblique //////





Extrait de l'entretien de Claude Parent par Bertrand Greco, le 15 janvier 2010 pour le JDD.


Comment résumez-vous votre concept d’architecture oblique?

Avant moi, l’architecture internationale dominante, dite moderne, reposait sur un principe : le cube est la base de tout. Or, la perpendiculaire me gêne, parce qu’elle crée obstacle. L’architecture ne doit plus générer des enfermements, avec des murs, toujours des murs, mais au contraire rétablir la continuité, respecter la fluidité. Il ne faut plus contourner les bâtiments, mais passer par-dessus, se réapproprier les toitures. Faire des collines plutôt que des murs.

D’où l’idée de remplacer l’horizontale et la verticale par le plan incliné…

Je ne prétends pas avoir inventé la pente (la nature s’en est chargée), ni même la rampe (Le Corbusier en a fait). Je préconise juste de vivre sur des plans inclinés. Monter, descendre, en permanence, cela multiplie les points de vue. Et c’est bon pour le corps. Grâce aux pentes, dans les villes comme dans les maisons, les habitants prennent du mouvement, donc de la joie, donc de la vie. D’ailleurs, qui a le mieux compris ma pensée? Les montagnards! Mais aussi les marins qui font du voilier. Ils m’ont expliqué à quel point ils sont heureux quand le bateau gîte. Je compare souvent l’architecture telle qu’elle devrait être à la mer. Les vagues, les flots urbains… j’ai une obsession maritime, alors que j’ai peur en bateau. La mer est toujours en mouvement. Et elle résiste encore à l’homme. Elle représente l’idée de liberté. Tout le contraire du cube.

Vous n’aimez pas les escaliers?

Non, je trouve que ce n’est pas un joli geste. L’escalier impose aux jambes le mouvement mécanique, décomposé, de la bielle. Je préfère le mouvement continu et ample qu’on a sur un sol horizontal ou oblique. Pour changer de niveau, le plan incliné offre une meilleure relation entre l’espace et le corps.

Pour vous, l’avenir de l’architecture passe par la fluidité?

Absolument. La fluidité, c’est mon mot favori. Pour lui donner un sens, il faut foutre en l’air cette architecture qui contribue à l’enfermement et au repli sur soi. On ne peut plus continuer à construire les maisons comme on le fait. Le temps est venu d’une nécessaire révolution des mentalités. Depuis la création de l’abri -contre les intempéries, contre les ennemis-, la vocation de l’architecture a été d’enfermer. Dès qu’il y a une crise, on construit un mur : à Berlin, en Israël… C’est invraisemblable! Quand je dis qu’il faut rétablir la continuité, je l’entends aussi au sens large: cela va jusqu’à la suppression totale des frontières sur la planète.















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